Page:Daudet - Jack, I.djvu/217

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mann, capitonné, ouaté, étouffé. La chambre où il se trouvait était vaste, tendue de perse claire, ornée de meubles Louis XVI tout blancs et gris sans la moindre dorure. Au dehors, la tranquillité de la pleine campagne, des frôlements de branches contre les vitres, des roucoulements de pigeons sur le toit et le « p’tit ! p’tit ! » de sa mère, montant de la basse-cour avec les cris variés, les piétinements qui se font autour d’une poignée d’avoine.

Jack savourait l’intimité de ce léger tumulte égaré dans le silence environnant. Il était heureux, reposé. Une seule chose le troublait : le portrait de d’Argenton, en face de lui, au pied du lit, dans une pose prétentieuse, despotique, la main sur un livre entr’ouvert, les yeux durs et pâles.

L’enfant pensait : « Où est-il ? où habite-t-il ?… Pourquoi ne l’ai-je pas vu ? » À la fin, gêné par ce regard de photographie qui le poursuivait comme une question ou un reproche, il se leva et descendit vers sa mère.

Elle était occupée à soigner, à nourrir ses bêtes avec une gaucherie élégante, gantée jusqu’au coude, le petit doigt en l’air, la robe relevée sur le côté laissant voir un jupon à raies et des bottines à grands talons. La mère Archambauld riait de sa maladresse, tout en faisant elle-même la cabine de ses lapins. Cette mère Archambauld était la femme d’un garde de la forêt, qui venait faire le ménage et la cuisine aux Aulnettes,