Page:Daudet - Jack, I.djvu/225

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— Jack, dit-il en finissant, il faut être sérieux, il faut travailler. La vie n’est pas un roman. Je ne demande pas mieux que de croire à votre repentir ; et si vous êtes raisonnable, je vous aimerai certainement, et nous vivrons heureux tous les trois. Donc, voici ce que j’ai à vous proposer : Sur le temps que je consacre à mes terribles luttes artistiques, je prendrai tous les jours une heure ou deux destinées à votre éducation, à votre instruction. Si vous voulez travailler, je me charge de faire de vous, de l’enfant indiscipliné et léger, un homme comme moi, trempé solidement pour la bataille.

— Tu entends, Jack, dit la mère, que le silence de son enfant rendait très inquiète… Tu comprends, n’est-ce pas, le grand sacrifice que notre ami va s’imposer pour toi ?

— Oui, maman… murmura Jack.

— Attendez, Charlotte, répliqua d’Argenton. Il faut savoir d’abord si ma proposition lui plaît. Je ne force personne, bien entendu.

— Eh bien ! Jack ?

Jack, ahuri d’entendre appeler sa mère Charlotte, ne savait que répondre et chercha si longtemps quelque chose d’assez tendre, d’assez éloquent pour toute cette générosité, qu’il finit par enfouir sa reconnaissance dans un silence profond. Voyant cela, sa mère le poussa dans les bras du poète qui lui accorda un vrai baiser de théâtre sonore et froid, en ayant l’air encore de réprimer un mouvement de répulsion.