Page:Daudet - Jack, I.djvu/234

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son ver, une piqûre d’un beau rouge vif. De loin, cette partie de forêt, ces branches colorées par un automne anticipé, une mort précoce, avaient l’aspect d’une fausse santé, les rougeurs maladives qui animent le teint des jeunes poitrinaires ; le père Archambauld les regardait avec des hochements de tête tristes comme en a, devant certains malades, un médecin qui désespère.

Pendant ces tournées forestières, le garde et l’enfant ne se parlaient pas, la grande symphonie des bois les envahissant. Selon les essences d’arbres qu’il secouait, le vent transformait son haleine et sa plainte. Dans les pins, c’était une houle de mer, un souffle long ; dans les bouleaux, dans les trembles, un cliquetis frémissant qui laissait les rameaux immobiles, mais passait sur les feuilles en mille notes métalliques ; et du bord des étangs, nombreux dans cette partie de la forêt, venaient des frôlements doux, le froissement des roseaux inclinant l’un vers l’autre leurs longues lances satinées. Par là-dessus, le rire strident des pies, les coups de becs des piverts, le cri mélancolique des coucous, tous ces bruits vagues qui montent de quatre à cinq lieues de feuilles. Jack les avait toujours dans les oreilles, ces bruits délicieux, et il les aimait.

Pourtant, à courir ainsi la forêt tout le jour en compagnie du garde, il s’était fait des ennemis. Il se trouvait là, à la lisière, une population de braconniers à qui la vigilance d’Archambauld faisait la vie très dure