Page:Daudet - Jack, I.djvu/274

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des volets pleins ; mais quelques ornements modernes inachevés indiquaient qu’on avait eu jadis des velléités de la rajeunir, et qu’une catastrophe subite était venue l’interrompre au milieu de sa toilette de vieille maison qui se restaurait. Ainsi, au-dessus de la porte d’entrée, une marquise en zinc attendait qu’on lui posât une toiture de verre, et mettait sur la tête des gens qui sonnaient le couronnement de sa bordure vide. De même, à droite de la petite cour plantée d’arbres, on avait commencé à construire un pavillon arrêté net au-dessus du rez-de-chaussée, où les fenêtres et la porte formaient des trous carrés.

Le « malheur » de ces pauvres gens leur était arrivé juste au moment de leurs réparations, et par une superstition que comprendront tous ceux qui aiment, les travaux avaient été interrompus, abandonnés.

Il y avait huit ans de cela. Depuis huit ans, les choses étaient restées en l’état ; et bien que dans le pays tout le monde y fût habitué, cet inachevé donnait à l’habitation entière la physionomie découragée de quelqu’un à qui rien n’est plus et qui se dit à propos de tout : « À quoi bon ? » Le jardin, qui tendait derrière la maison, au fond du corridor peint à la chaux, un store de verdure flottante, se trouvait lui aussi dans un état complet d’abandon. L’herbe montait dans les allées, et de larges feuilles parasites couvraient le bassin dont le jet d’eau ne marchait plus.

L’aspect des êtres ressemblait à celui des choses.