Page:Daudet - Jack, I.djvu/329

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mots « il n’est pas assez fort, » que chacun lui répétait depuis son arrivée. Labassindre digérait son humiliation ; l’ajusteur, lui aussi, semblait préoccupé.

Quand ils furent dehors :

— Est-ce qu’il t’a dit quelque chose de vexant ?… demanda Labassindre à son frère. Il a l’air encore plus chien que de mon temps.

Roudic secoua la tête avec tristesse :

— Mais non. Il me parlait de Charlot, le fils de notre pauvre sœur, qui est en train de nous donner bien du tourment.

— Le Nantais vous donne du tourment ? demanda le chanteur. Qu’est-ce qu’il y a donc ?

— Il y a que, depuis que la mère est morte, c’est devenu un ribotteur fini, qu’il joue, qu’il boit, qu’il a des dettes. Pourtant il gagne de belles journées à l’atelier de dessin. Il n’y a pas un dessinandier pareil dans Indret. Mais qu’est-ce que tu veux ? Il mange tout avec ses cartes. Il faut croire que c’est plus fort que lui ; car enfin, ici tout le monde s’en est mêlé, le directeur, moi, ma femme, rien n’y fait. Il pleure, il se désole, promet de ne plus recommencer ; puis, sitôt la paye touchée, crac ! il file sur Nantes et va jouer. J’ai déjà payé bien des fois pour lui. Mais maintenant, je ne peux plus. J’ai mon ménage, tu comprends ; puis, voilà Zénaïde qui se fait grande, il va falloir l’établir. Pauvre fille ! Quand je pense que j’avais eu idée de la marier avec son cousin. Elle serait heureuse à pré-