Page:Daudet - Jack, I.djvu/336

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ressemblait à son père. La coiffe blanche de Guérande en épais diadème, la jupe écourtée, soutenue aux hanches par un bourrelet, le petit châle, attaché très bas aux épaules, augmentaient cette tournure élargie et massive. Positivement, elle avait l’air d’une armoire. Mais dans les sourcils fournis de cette brave fille, dans la coupe carrée de son menton, on sentait autant d’énergie, de force, de vouloir, qu’il se trahissait de mollesse et d’abandon sur le visage de la belle-mère.

Sans prendre le temps de détacher la paire de grands ciseaux pendus à sa taille comme un sabre, la bavette de son tablier encore bardée d’épingles et d’aiguilles enfilées qui faisaient une cuirasse à sa poitrine courageuse, elle s’assit à côté de Jack et partit en guerre tout de suite. L’éloquence du chanteur et du dessinandier ne lui faisait pas peur à elle. Ce qu’elle avait à dire, elle le disait d’un petit ton de bonne femme, carrément, simplement ; mais quand elle parlait à son cousin, son regard et sa voix trouvaient des expressions de colère.

Le Nantais faisait semblant de ne pas s’en apercevoir, prenait tout en riant, répondait par des malices qui ne la déridaient pas.

— Et moi qui voulais les marier ! disait d’un ton moitié sérieux, moitié plaisant, le père Roudic qui les écoutait se disputer.

— Ce n’est pas moi qui ai dit non, fit le Nantais en riant et regardant sa cousine.