Page:Daudet - Jack, I.djvu/56

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éclair, mais se referma bien vite après un regard circulaire jeté de haut à l’enfant et à sa bonne.

Puis il s’approcha des autres professeurs installés devant le feu, et, s’étant salués, ils se considéraient tous trois sans parler avec des mines effarées et joyeuses.

Mademoiselle Constant trouva que ce d’Argenton avait l’air fier ; à Jack, il fit un effet indéfinissable de répulsion et de terreur.

De tous ceux qui se trouvaient là, l’enfant devait souffrir, mais de celui-ci bien plus encore que des autres. On eût dit qu’il s’en doutait. Rien qu’à le voir entrer, il avait instinctivement deviné « l’ennemi, » et ce regard dur en croisant le sien l’avait glacé jusqu’au fond du cœur.

Oh ! que de fois, dans les tristesses de sa vie, il devait le rencontrer, cet œil d’un bleu éteint, endormi sous la paupière lourde, et dont les réveils avaient des scintillements d’acier, un brillant impénétrable. On a appelé les yeux les fenêtres de l’âme ; mais ceux-là étaient des fenêtres si bien closes, que l’on pouvait douter qu’il y eût une âme derrière eux.

La conversation finie entre mademoiselle Constant et les Moronval, le mulâtre s’approcha de son nouvel élève et, lui donnant une petite tape amicale sur la joue :

— Allons, allons ! mon jeune ami… Il va falloir nous faire une mine un peu plus gaie que celle-là.

C’est qu’en effet Jack, au moment de se séparer de