Page:Daudet - Jack, I.djvu/93

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honte d’être devenu domestique, ni même sa haine contre le Père au bâton, c’est ainsi qu’il appelle Moronval.

Elle est pourtant bien vigoureuse, cette haine.

Ah ! si Mâdou redevenait roi un jour… Son cœur frémit de rage à cette pensée, et il faut l’entendre faire part à Jack de ses projets de vengeance :

— Quand Mâdou retourner Dahomey, écrire bonne petite lettre à Père au bâton, faire venir li en Dahomey et couper tête à li dans grand bassin de cuivre ; après, avec sa peau, couvrir un grand tambour de guerre pour aller contre les Achantis… Zim ! boum ! boum !… Zim ! boum ! boum !

Jack voyait briller dans l’ombre, adoucie d’un reflet de neige, deux petits yeux de tigre, pendant que le nègre tapait sourdement de la main sur le rebord de son lit pour imiter le tambour de guerre. Le petit de Barancy était terrifié ; aussi la conversation en resta là pendant quelques minutes. Enfoncé dans ses couvertures, la tête pleine de ce qu’il venait d’entendre, le « nouveau » croyait voir passer des éclairs de sabre et retenait sa respiration.

Mâdou, que son récit avait excité, aurait bien voulu parler encore, mais il croyait son camarade endormi. Enfin Jack poussa un de ces longs soupirs qui semblent venir de ces immensités que le rêve parcourt en une seconde et de la profondeur du cauchemar.