Page:Daudet - Jack, II.djvu/118

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Un raté fondant une revue, et une revue avec de l’argent, des actions, pensez quelle aubaine ! Il est vrai de dire que les actionnaires manquaient. Jusqu’à présent il ne s’en était trouvé que deux, d’Argenton, naturellement, et puis… notre ami Jack. Ne riez pas ; Jack était actionnaire de la Revue des Races futures. Il figurait pour dix mille francs sur les livres, les dix mille francs de « Bon ami. » Charlotte avait bien eu quelques scrupules à employer ainsi cette somme qu’elle devait remettre à l’enfant à sa majorité ; mais elle s’était rendue aux raisonnements de d’Argenton :

— Voyons… Comprends donc un peu… C’est un placement magnifique… Les chiffres sont des chiffres. Regarde à quel taux sont arrivées les actions de la Revue des Deux-Mondes. Y a-t-il un placement comparable à celui-là ? Je ne dis pas que nous réaliserons tout de suite de pareils bénéfices. Mais n’en eût-on que le quart, cela vaut encore mieux que la rente ou les chemins de fer. Vois si j’ai hésité à déplacer mon argent pour le mettre dans cette affaire. »

Étant donné la lésinerie bien connue du poëte, cet argument était sans réplique.

Depuis six mois, d’Argenton avait sacrifié plus de trente mille francs pour l’installation des bureaux, le loyer, la rédaction, sans parler des avances déjà faites sur des travaux à livrer. À l’heure qu’il est, il ne restait plus rien de la première mise de fonds ; et il allait