Page:Daudet - Jack, II.djvu/152

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C’était un encouragement, un sourire, un bon conseil, une façon tranquille de se mettre au niveau des gens qui parlaient, en inclinant vers eux toute la grâce de son esprit. Elle avait affaire en cet instant avec une ancienne connaissance de Jack, cette vieille braconnière de mère Salé qui lui causait tant de frayeur quand il était petit. Courbée comme presque tous les paysans que la terre tire à elle dans leur labeur journalier, crevassée par le soleil, poudreuse et desséchée, la Salé ne gardait un peu de vie que dans ses yeux méfiants, charbonnés, renfoncés sous la paupière comme des bêtes méchantes au fond d’un trou. Elle parlait de son « houme, de son pauvre houme qu’était malade voilà beaux mois, ne travaillait pus, ne gagnait ren, et tout de même ne pouvait pas se décider à querver. » Elle faisait exprès de dire des choses féroces, de les colorer de son langage de vieille mère Salé, en regardant la jeune fille bien en face comme pour s’amuser à la décontenancer. Deux ou trois fois il prit à Jack une furieuse envie de mettre à la porte ce monstre coriace et haillonneux. Mais il se contint en voyant Cécile rester paisible devant cette grossièreté agressive, garder ce calme solide où la méchanceté la plus aiguë lime ses dents en croyant mordre.

L’ordonnance finie, la paysanne se retira avec toutes sortes de révérences, de bénédictions faussement obséquieuses. En passant près de Jack, elle se retourna, le reconnut :