Page:Daudet - Jack, II.djvu/161

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quelques paroles vivement échangées une discussion récente.

— Tiens ! voilà Jack, dit le mulâtre.

Le poëte tressaillit, releva la tête. À voir ces deux hommes en présence, l’un vêtu avec soin, étoffé, ganté, luisant, sortant de table, l’autre efflanqué dans sa veste en velours trop courte, miroitant d’usure et d’eau, on n’aurait jamais pensé qu’il pût y avoir entre eux une attache quelconque. Et c’est bien ce qui fait la physionomie particulière de ces ménages interlopes, la tare à laquelle se reconnaît le hasard de ces familles où le père est charpentier, la fille comtesse et le frère coiffeur dans quelque faubourg.

Jack tendit la main à d’Argenton, qui se laissa prendre un doigt négligemment et lui demanda si la maison des Aulnettes était louée.

— Comment ?… louée ?… dit l’autre qui ne comprenait pas.

— Mais oui… En te voyant ici, quelle idée veux-tu qu’il me vienne, sinon : La maison est occupée, il est obligé de revenir.

— Non, dit Jack décontenancé, personne même ne s’est présenté depuis que je suis là.

— Alors, que viens-tu faire ici ?

— Je viens voir ma mère.

— C’est une fantaisie que je comprends. Malheureusement il y a des frais de voyage.

— Je suis venu à pied… dit Jack très simplement,