Page:Daudet - Jack, II.djvu/318

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Pas possible ?… Tu me fais peur. Que s’est-il passé ?

— Rien, seulement une lumière qui s’est faite en moi-même. Je ne l’aime pas, je me suis trompée.

— Misère de nous ! Que nous arrive-t-il là ? Cécile, mon enfant, reviens à toi. Vous aurez eu ensemble quelque querelle d’amoureux, un enfantillage ?

— Non, grand-père, je te jure qu’il n’y a pas ici le moindre enfantillage. J’ai pour Jack une amitié de sœur, voilà tout. Je me suis efforcée de l’aimer ; je vois maintenant que c’est impossible.

Le docteur eut un mouvement d’épouvante ; le souvenir de sa fille venait de lui traverser l’esprit.

— Tu en aimes un autre ?

Elle rougit.

— Non, non, je n’aime personne. Je ne veux pas me marier.

À tout ce que M. Rivals put lui dire, à tout ce qu’il voulut invoquer, Cécile n’eut qu’une réponse :

— Je ne veux pas me marier.

Il essaya de la prendre par l’orgueil. Que dirait-on dans le pays ? Ce jeune homme qui venait chez eux depuis des mois, que tout le monde savait être son fiancé… Il s’attendrissait lui-même d’une pitié qu’il eût voulu lui communiquer.

— Songe que c’est un coup épouvantable… sa vie bouleversée, son avenir perdu.

Cécile eut une contraction de tous ses traits, qui