Page:Daudet - Jack, II.djvu/319

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prouva combien elle était émue. M. Rivals lui prit la main :

— Petite, je t’en supplie… ne te presse pas de prendre une décision pareille… Attendons encore un peu… Tu verras, tu réfléchiras.

Mais elle, avec une énergie tranquille :

— Non, grand-père, c’est impossible. Je tiens à ce qu’il soit instruit de mes sentiments au plus tôt… Je sais que je vais lui faire une grande peine ; mais plus nous attendrons, plus la peine sera grande. Chaque jour perdu ne fera que l’aggraver. Et puis je souffrirais trop à rester ainsi en face de lui. Je me sens incapable de ce mensonge, de cette trahison.

— Alors, c’est son congé qu’il faut que je lui signifie ?… dit le docteur en se levant furieux… C’est bon ; ce sera fait. Mais, sacré tonnerre ! les femmes…

Elle le regarda d’un air si désespéré, avec une telle pâleur frémissante, qu’il s’arrêta net au milieu de sa colère.

— Mais non, mais non, fillette, je ne suis pas fâché… C’est seulement une minute… Après tout, ce qui arrive est bien plus ma faute que la tienne. Tu étais trop jeune. Je n’aurais pas dû… Ah ! vieux fou, vieux fou… je ferai donc des bêtises jusqu’à la fin !

Le terrible, c’était d’écrire à Jack. Il essaya deux ou trois brouillons de lettres commençant toutes ainsi : « Jack, mon enfant, la petite ne veut plus. » Il ne trouvait pas un mot à ajouter. « La petite ne veut