Page:Daudet - Jack, II.djvu/340

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Je suis Bélisaire, Bel, comme elle m’appelait, la dame… Oh ! elle me connaît bien, allez ! et puis ma femme aussi.

— Eh bien, monsieur Bélisaire, fit le poëte d’un air goguenard… vous direz à celui qui vous envoie que le tour est bon, mais qu’il a déjà servi. Il faut qu’il en cherche un autre.

— Excusez ? dit le camelot qui ne comprenait pas les « mots cruels. »

Mais d’Argenton avait déjà fermé la porte, laissant Bélisaire stupéfait sur le palier, avec la vision d’un salon entr’aperçu là-bas au fond de l’appartement, rempli de monde et de lumières.

— Ce n’est rien… Quelqu’un qui se trompait, dit le poëte en rentrant ; et pendant qu’il continuait sa lecture majestueusement, le camelot s’en allait à grands pas dans les rues noires, sous le grésil et la bise piquante, pressé de retourner vers Jack, vers le pauvre Camarade gisant à cette heure sur le mauvais lit de fer de sa mansarde…

Cela lui avait pris un jour qu’il revenait d’Étiolles. Il s’était couché sans rien dire ; et depuis, la fièvre le secouait, la fièvre et un gros rhume, si grave que le médecin de l’usine prévenait ses amis qu’il y avait tout à craindre. Bélisaire aurait voulu avertir M. Rivals ; mais Jack s’y était formellement refusé. Il n’était même sorti de son silence léthargique que cette fois, et une autre encore pour envoyer la porteuse de