Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/124

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grondement sourd, plus fort à mesure que l’on approchait des vannes du barrage, de la petite jetée blanche du bief qui ouvrait sa porte lentement aux appels de la remorque. Romain montra à Sylvanire une petite maison sur le chemin de halage, un dé à jouer, dont les portes et fenêtres figuraient assez bien les points noirs.

« Chez nous !… » fit-il tout bas, le regard humide, en détachant sa barque du train et l’amenant à quai. Maurice, fort occupé sur la jetée avec le garçon d’écluse, les vit de loin ; il accourut en poussant des cris de Caraïbe, agitant en l’air sa casquette dont l’eau et le soleil avaient dédoré les galons, lui-même hâlé, bronzé, le nez rougi et grossi, un vrai marinier, disait Romain, et joliment dégourdi sur la manœuvre.

« Hein, Maurice ? le Borda ! » cria le père tout rayonnant, sans voir la figure terrifiée que rendait au pauvre enfant ce brusque rappel à sa vocation. Heureusement, on arrivait à la maison d’écluse, un rez-de-chaussée élevé de quelques marches à cause des grandes crues, cerné d’un potager aux verts sillons bien en ordre. À l’intérieur, une grande pièce avec deux