Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/126

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trop ; et elle l’entraîna, laissant ces dames rajuster devant la glace neuve leurs chapeaux que le vent de la Seine avait un peu fourragés. Restée seule avec Éline et sa mère, la petite Fanny leur dit d’un ton mystérieux :

« Je sais bien, moi, pourquoi Romain est si content… C’est qu’ils vont bientôt se mettre ensemble… dès que nous aurons une autre maman. »

Éline tressaillit :

« Une autre maman !… qui donc t’a parlé de cela ?

– Sylvanire, ce matin, en m’habillant… Mais, chut !… c’est un grand secret. »

Elle courut rejoindre son frère qui l’appelait.

Les deux femmes se regardèrent.

« Cachottier… », dit Mme Ebsen en souriant. Éline s’indignait : « Quelle folie ! se marier, à son âge… » Et sa main tremblait, tout émue, en rajustant la longue épingle de jais dans ses cheveux.

« Mais, Linette, M. Lorie n’est pas vieux… À peine quarante ans… Il ne les paraît même pas… Et si bien, si distingué. »

Quarante ans. Éline l’aurait cru plus âgé. C’était sans doute son air sérieux, ses façons solennelles