Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/134

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Puis Éline joua du Mozart, de ces vifs ramages d’oiseaux enfermés dans un clavier étroit, auxquels répondaient de la rive les bergeronnettes, les fauvettes sautillant dans les roseaux. La sonate finie, elle en prenait une autre, une autre encore, s’abandonnait au charme du vieil instrument, lorsqu’en se retournant, elle s’aperçut qu’elle était seule avec Lorie. Romain et Sylvanire étaient descendus sur la berge pour amuser les petits, Mme Ebsen pour y pleurer plus librement.

Lui restait là, continuant à l’écouter, remué jusqu’au fond du cœur, et beaucoup plus qu’il ne convenait à quelqu’un de l’administration. Elle était si jolie, animée par la musique, les yeux brillants, les doigts finement déliés et papillonnant sur les touches. Il aurait voulu retenir cette minute délicieuse, demeurer ainsi toujours à la regarder… Soudain un cri d’enfant, un cri de terreur éperdu, brisa le calme ambiant, la sonore atmosphère de l’eau…

« C’est Fanny… », dit Éline s’élançant toute pâle à la croisée. Mais on riait maintenant, on riait à grands éclats. Et Lorie, en se penchant, découvrit la cause de tout cet émoi, Romain revêtu