Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/136

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croisant le sien ? Oui, sans doute, il lui arrivait quelquefois… C’est si triste de vivre seul, de n’avoir personne à qui dire sa joie ou son chagrin de la journée… Si triste, un intérieur sans femme… Sylvanire s’en irait un jour ou l’autre ; et puis elle ne remplaçait pas une mère aux enfants. Lui-même, il fallait bien l’avouer, malgré ses facultés d’organisateur, ne s’entendait guère à conduire une maison, tandis qu’il était homme à mener la province d’Alger tout entière.

Il disait cela simplement, un peu confus, avec un bon et naïf sourire ; et certes Éline l’aimait mieux ainsi, dérouté et désarmé devant la vie, qu’avec sa solennité des grands jours.

« … Voilà pourquoi j’avais pensé à me remarier ; mais tout au fond de moi, sans jamais en parler à personne… Et je me demande qui a pu vous dire… »

Éline l’interrompit :

« Est-elle bonne, au moins, celle à qui vous avez songé ?… »

Et Lorie tout tremblant :

« Bonne, jolie… la perfection…

– Aimera-t-elle vos enfants ?

– Elle les aime déjà…