Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/153

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du ménage. Lui, toujours épris de sa femme, cédant à tous les caprices coûteux de l’ŒUVRE ; elle, douce, affectueuse, exacte – quand il partait ou revenait – à tendre aux caresses son front uni et blanc, à s’informer des opérations, du mouvement des affaires, car elle était vraiment Lyonnaise, à la fois industrielle et mystique.

Elle lui racontait tout, le sujet de son sermon prochain, le nombre d’âmes arrachées au péché pendant la semaine et dont elle tenait un grand livre par Doit et Avoir. Mais un mystère restait entre eux, comme une rupture secrète, parfois visible aux réponses absentes du pauvre disgracié, au regard fixe, suppliant, avec lequel il cherchait au fond de l’indifférence souriante de Jeanne un point sensible à toucher. Chose bien étonnante chez une personne aussi exaltée, elle ne lui demandait jamais pourquoi il s’était retiré des saintes assemblées et de toute pratique, délaissant le banc des Anciens, même aux trois grands jours de communion de l’année. Elle semblait fuir une explication, se dérober adroitement avec son double instinct de femme et de prêtre, tandis que lui se taisait par fierté, par la