Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/208

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

trouvant un sermon sous sa bêche comme il semait le grain du haut de sa chaire.

Le dimanche, les offices du village terminés, il avait un prêche dans la montagne pour les bergers, les bûcherons, les fromagers. Trois marches en bois au delà de toute culture, au delà des sapins et des châtaigniers, dans cette zone élevée où rien ne pousse, où rien ne vit plus que des mouches. Ses plus beaux discours, familiers et grands, furent parlés là pour ces pauvres, en vue d’un horizon pastoral d’où l’humanité civilisée semblait absente, les sonnailles des troupeaux dispersés sur les pentes s’éloignant, se rapprochant, et secouées au cou des bêtes qui paissaient, répondant seules à la voix du pasteur. Cet accent des hauteurs rafraîchissant et fier, cette âpreté de parole où le patois faisait souvent image et flattait l’auditoire, Aussandon ne les perdit jamais et leur dut plus tard sa gloire de prédicateur à Paris. Le sermon fini, il dînait dans une hutte, d’un plat de châtaignes, et redescendait accompagné de tout un peuple chantant des versets, quelquefois dans un de ces formidables orages de montagne, dont les roulements, la grêle et le feu, éclatant à