Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/220

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la propre cène du Sauveur. Elle aime cette conversation dont on la tient à l’écart, ce dictionnaire mystique qui secoue de très haut des mots à emblème comme vigne, tente, troupeau, ou des abstractions, épreuves, expiation, et le vent du désert, et le souffle de l’Esprit. Elle s’intéresse à une foule de choses qu’elle ne connaît pas, que l’on commente devant elle sans l’y mêler, l’ŒUVRE, les OUVRIÈRES, cette mystérieuse RETRAITE où elle n’a jamais pénétré, puis la chronique dévote du pays, l’état moral de telle ou telle famille.

« Je suis contente de Gelinot… La grâce opère… dit Anne de Beuil qui a ses yeux de policière à tous les recoins du village et dans un rayon de dix lieues… Ou bien : « Baraquin se gâte… voilà qu’il recommence à ne pas venir au culte… » Là-dessus une charge à fond contre les mauvais chrétiens, renégats, apostats barbotant comme des porcs à même la fange de leur péché. Éline sait bien que c’est pour elle, cette comparaison délicate, quoiqu’il soit difficile d’établir une analogie entre l’animal biblique et ce doux profil envahi de honte, dont l’oreille rougit au vif dans la masse blonde des cheveux.