Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/275

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

les apostats !… Écoute, écoute, ô Jésus… Lorsque j’avais quinze ans, ma mère mourut et j’apostasiai. Réunis-moi à ma mère, ô Jésus, car je suis bien fatiguée. Ô John Mitchell ! John Mitchell ! »

C’est la « maladie du revival » comme on dit en Irlande. Toutes les ouvrières de Port-Sauveur en étaient atteintes, Éline Ebsen plus dangereusement que les autres, par une disposition nerveuse naturelle qu’avait surexcitée la mort de sa grand’mère et les manœuvres de Jeanne Autheman. Maladie véritable avec des accès, des intermittences. Rentrée le soir dans la solitude de sa petite chambre, l’enfant sentait son cœur battre normalement, filialement. Elle avait beau se répéter que le salut de sa mère commandait cette séparation, qu’il fallait ce temps d’épreuve pour la rapprocher de Jésus, elle avait beau appeler à l’aide tous les versets de l’Écriture ; le souvenir des jours paisibles dans l’affection naturelle la prenait toute et l’empêchait de prier.

Oh ! les heures sans foi, sans effusion, martyre des bons prêtres, l’heure où les mots tombent gelés des lèvres sèches et dures, où sainte Thérèse se lamente au pied du crucifix et, cherchant l’émotion