Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/286

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bras nus ; et rappelée à sa propre misère : « Ah ! la vie n’est pas gaie… On ne voit que du malheur partout… tu sais ce qui arrive à notre pauvre mère Ebsen ?… »

À ce nom d’Ebsen, Léonie secoua ses larmes brusquement :

« C’est pour elle que je viens… » Elle s’animait. « Imagine-t-on cela !… Ne pas même lui dire où est son enfant… Mais c’est un monstre, cette Jeanne Autheman.

– Elle n’a pas changé depuis la pension. Te rappelles-tu sa jolie figure, son air recta, sa petite bible dans le tablier où nous mettions nos montres ?… C’est qu’elle m’avait tourné la tête un moment. Je serais partie, en Afrique, avec elle… Non ! me vois-tu missionnaire chez les nègres ?… »

Il était difficile en effet de se la figurer ainsi, avec ses onguents, ses pencils qu’elle promenait lentement en caresse sur son cou de statue.

« Mais enfin ton cousin Autheman, que dit-il ?… Comment laisse-t-il commettre de pareilles atrocités ?… Elle vous déchire le cœur, cette pauvre mère, quand elle raconte… Tu ne l’as pas entendue ?… Il y a des détails inouïs…