Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/318

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de petite mort. Elle tremblait en ouvrant. Deux bras affectueux l’entourèrent aussitôt ; les fleurs d’un petit chapeau d’été, tout ruisselant de la neige qui tombait, mouillèrent sa joue… Henriette Briss !… Elle venait de quitter sa place à Copenhague chez l’ambassadeur de Russie… D’excellentes gens, mais si vulgaires… Puis elle n’en pouvait plus d’être si longtemps loin de Paris, malgré tout ce que lui écrivait son ancienne supérieure du Sacré-Cœur qui prétendait que Paris pour elle c’était comme un rasoir dans la main d’un enfant de deux ans…

Tout en parlant, Henriette entrait dans le petit logis si connu, s’installait comme chez elle, sans remarquer – distraite et joyeuse – le visage désolé de la mère. Tout à coup elle se retourna, d’un de ses mouvements vifs de grande chèvre : « Et Lina ?… où est-elle ?… Elle va rentrer ?… »

Un sanglot lui répondit. Ah ! bien, oui, Lina. Plus de Lina… « Partie… volée… Ils me l’ont prise… Je suis seule… » Il fallut un moment à Henriette pour comprendre ; et même quand elle eut compris, elle ne pouvait croire que Lina si raisonnable, si pratique, avec sa grande affection