Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/338

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ciel pour les troupeaux et leurs conducteurs…

Oui, mais Bonne !…

Il n’y avait pas encore songé… Bonne qui va revenir dans deux jours. Quelle scène !… Et lui, le doyen de l’Église, lui, le justicier de Dieu, qui n’a pas reculé devant la gravité de son acte et la vengeance des Autheman, il tremble à l’idée de la petite femme en colère, prépare déjà dans sa tête troublée la lettre qu’il lui écrira pour amortir le choc de l’arrivée.

Autour de lui, on marche dans la sacristie. Le gardien du temple et sa femme rangent les objets sacrés, font le ménage de Dieu, sans parler au pasteur, comme s’ils craignaient aussi de se compromettre. C’est toujours par les petits que l’on pressent les disgrâces… « Allons… » Il se lève péniblement, pour aller se déshabiller au vestiaire. Dans le temple désert plane une rumeur flottante, ce qu’une foule laisse derrière elle de vibrations diminuées, le balancement qui reste aux steamers quand la machine s’arrête et que l’hélice a cessé de battre. L’ombre gagne, les tribunes se découpent en noir, les lourds tapis qu’on étale entre la table sainte et le banc des diacres sont roulés, empilés ; et c’est sinistre,