Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/348

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pour une de ses tantes de Christiania : « Vous verrez comme on est bien ici, quelles bonnes gens ces Magnabos… L’homme est un libre-penseur ; mais une tête, un feu… Nous discutons… Et pas d’enfants, vous savez… » En causant, elle jetait à la diable les effets de Mme Ebsen dans un tiroir de commode, et sa petite lampe à pétrole allumée, ajoutait sur la table, au milieu des paperasses, un couvert d’étain, une assiette ébréchée. Lorie les laissa en train de dîner, la mère un peu calmée, se sentant à l’abri, Henriette toujours très bavarde, excitée moins par les événements que par l’air de Paris trop violent et composite pour cette pauvre tête anémiée.

Lui, Paris l’effrayait maintenant. Il n’en avait jamais sondé les dessous, les traîtrises comme aujourd’hui, et revenant lentement rue du Val-de-Grâce après son dîner, il croyait sentir le sol ébranlé, miné sous ses pas. Ces choses qu’on lit sont donc possibles. Il savait bien pourtant que Mme Ebsen n’était pas folle. Est-ce que vraiment on eût osé la séquestrer, ou s’il n’y avait là qu’une menace pour la faire tenir tranquille ?… Quelqu’un l’attendait, assis sur la pierre de sa