Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/354

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Mais quoi ! Il faut toujours un chagrin dans l’existence la mieux arrangée.

« Vous n’en avez pas eu d’enfant, vous, Madame ? » demandait-elle un jour à la prétendue tante d’Henriette…

« Si… » dit Mme Ebsen tout bas.

« Une fille ? »

Ne recevant pas de réponse, elle se retourna et vit la pauvre femme toute secouée de sanglots, la figure dans ses mains.

« C’est donc ça qu’elle est si triste… qu’elle ne veut jamais sortir… »

Et croyant que la fille de sa voisine était morte, dès ce jour Mme Magnabos ne parla plus de sa petite MALTHIDE.

Le soir leur ramenait Henriette Briss et quelquefois Magnabos, quand l’ouvrage pressait et qu’il n’avait pas de réunion au dehors. Dans le grand atelier traversé par le tuyau à coude d’un petit poêle, toujours rouge et ronflant malgré la saison déjà radoucie, afin que la couleur séchât plus vite, le gros homme coloriait à côté de sa femme, ses cheveux plats pommadés, sa barbe trop noire étalée sur une longue blouse grise