Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/82

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

« Attendez la suite… » Elle reprit en accentuant les mots : « Le bon calcul, c’est d’aimer Christ, de n’aimer que lui. Christ ne trompe pas, Christ ne meurt pas ; mais il est jaloux de notre affection et il la réclame tout entière. C’est pourquoi faisons la guerre aux idoles et chassons de nos cœurs tout ce qui pourrait rivaliser avec lui… Tu entends, maman ! c’est un pêché de nous aimer… Il faut que tu m’arraches de ton cœur, que le Christ soit entre nous et nous sépare de ses deux bras crucifiés… En voilà des infamies !… Jamais je ne traduirai ça… »

Elle eut un geste violent, si extraordinaire dans cette nature de douceur et de sérénité, que l’enfant debout à côté d’elle en sentit le contre-coup nerveux, un frisson pâle sur sa petite figure maigriote.

« Mais non… mais non… Je ne suis pas fâchée… » dit Éline, la prenant sur ses genoux, la serrant d’une étreinte qui, sans qu’il sût pourquoi, fit rougir Lorie de plaisir. La mère s’apaisa la première :

« Va, Linette, nous avons bien tort de nous emporter… S’il fallait prendre à cœur toutes les sottises qu’on lit et qu’on entend !… C’est