Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/87

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lui, quand elle l’envoyait à Paris pour sauver sa place, sans lui dire qu’elle se sentait mourir. « Je le savais bien, va, que c’était fini, que nous ne nous reverrions plus ; mais il fallait te laisser partir, pour toi, pour nos enfants, voir ce ministre tout de suite… Ah ! pauvres jours comptés, qu’on n’a pas pu passer ensemble… Dire qu’avec un mari, deux enfants, je vais mourir toute seule !… » Et après cette plainte suprême, plus rien que des paroles de résignation. Elle redevenait l’âme égale, patiente, qu’elle était dans sa vie de santé, l’encourageait, le conseillait. Bien sûr qu’il serait replacé, le gouvernement ne voudrait pas se priver d’un administrateur tel que lui. Mais la maison, le ménage, l’éducation des enfants, tout ce qu’un homme occupé de sa carrière doit laisser à d’autres, c’est de cela que la mourante s’inquiétait. Sylvanire, mariée, ne resterait pas toujours là ; et puis, si dévouée qu’elle fût, ce n’était qu’une servante.

Et lentement, délicatement, avec des mots longtemps cherchés et qui avaient dû lui coûter à écrire, car tout ce passage haletait de fragments, de cassures, elle lui parlait d’un mariage possible, plus tard, quelque jour… Il était si