Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/93

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oiseaux. « La présidente vous attend, mademoiselle… », dit en même temps Anne de Beuil qui traversait le parloir, accompagnée d’une longue créature, pâle, hagarde, les yeux rougis sous son voile de voyage ; et tout à coup, apercevant elle aussi la perruche qui s’effarait à son approche : « Ah ! sale vermine d’hérétique… te voilà encore !… » Elle bondit sur la cage, l’emporta en la secouant de fureur, faisant sauter l’eau, les graines, le petit miroir cassé, pendant que la malheureuse bête, de sa voix ébréchée et avec son entêtement de vieille, appelait : « … Moïse… Moïse… » aussi fort qu’elle pouvait et lui ordonnait de refaire son compte.

Éline entra chez Mme Autheman qu’elle trouva à son bureau dans un grand cabinet d’homme d’affaires, et dont le front étroit, bombé sous de plats bandeaux noirs, le nez fin, la bouche rentrée, la saisirent tout d’abord.

« Asseyez-vous, mon enfant. »

Sa voix avait la froideur de son teint, de sa jeunesse finissante, de ses trente-cinq ans, serrés non sans une certaine coquetterie de jolie femme dans la robe unie, le camail religieux d’Anne de Beuil, en drap plus riche,