Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/114

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veille des merveilles, peut-être même offrir à Son Altesse, au nom de la Compagnie, l’autographe de son aïeule. Le baron Huchenard en crèverait de male envie.

« À propos, vous savez, mes Charles-Quint ?… Calomnie, pure calomnie… J’ai là de quoi le confondre, ce Zoïle ! » De sa grosse main courte, il frappait sur le maroquin d’une lourde serviette et, dans l’expansion de sa joie, voulant que Freydet fut heureux aussi, il le ramenait à leur conversation de la veille, à sa candidature au premier fauteuil vacant. Ce serait si charmant, le maître et l’élève, assis tous deux côte à côte sous la coupole ! « Et vous verrez que c’est bon, comme on est bien … on ne peut se le figurer avant d’y être. » À l’entendre, il semblait qu’une fois là, ce fût fini des tristesses, des misères de la vie. Elles battaient le seuil sans entrer. On planait très haut, dans la paix, dans la lumière, au-dessus de l’envie, de la critique, consacré. Tout ! on avait tout, on ne désirait plus rien… Ah ! l’Académie, l’Académie, ses détracteurs en parlaient sans la connaître, ou par rage jalouse de n’y pouvoir entrer, les babouins !…

Sa forte voix sonnait, faisait retourner le monde tout le long du quai. Quelques-uns le reconnaissaient, prononçaient le nom d’Astier-Réhu. Sur le pas de leurs boutiques, les libraires, les mar-