Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/148

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pas pour elle qu’il posait de profil sur son esquisse, ni pour elle non plus qu’il avait préparé ces frêles bouquets de grandes fleurs, iris et tulipes, et sur une petite table anglaise un drageoir et des flacons ciselés.

En se retournant, son exclamation : « C’est toi ! » aurait averti toute autre que la mère. Elle n’y prît pas garde, éblouie de le voir là, en face d’elle, correct et joli, bien vivant ; et, sans parler encore, son gant vivement déboutonné, elle lui tendit le chèque, triomphante. Il ne demanda pas d’où venait cet argent, ce qu’il lui avait coûté, la prît tendrement contre son coeur en ayant soin de ne pas chiffonner le papier : « M’man, m’man… » et ce fut tout. Elle était payée, sentant cependant une gêne en son enfant au lieu de la grande joie qu’elle attendait.

« Où vas-tu en sortant d’ici ? fit-il d’un ton rêveur, toujours son chèque à la main.

— En sortant d’ici ?… » Elle le regardait égarée et triste. Mais elle arrivait seulement, elle comptait bien passer un bon moment avec lui ; enfin, puisque cela le gênait… « Où je vais ?… chez la princesse… Oh ! ce n’est pas pressé… si ennuyeuse à toujours pleurer son Herbert… On croit qu’elle n’y pense plus, et puis ça repique de plus belle. »

Sur les lèvres de Paul hésita quelque chose qu’il ne dit pas.