Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/156

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femme était revenue littéralement malade. « L’horreur des horreurs, ma chère ! » ainsi exprimait-elle sa vraie impression, le soir même, à Mme Astier, ce qu’elle n’avait osé dire à Paul, le sachant ami du sculpteur, et aussi parce que ce nom de Védrine était des trois ou quatre que la convention mondaine choisit à l’envers de son goût, de son éducation et admire follement sans savoir pourquoi, par une prétention à l’originalité artistique. Cette informe et grossière figure sur la tombe de son Herbert !… oh ! non, non… mais c’est le prétexte à donner qu’elle ne trouvait pas.

« Voyons, monsieur Paul, entre nous… sans doute, c’est un morceau superbe… Un beau Védrine certainement… mais convenez que c’est un peu triste !

— Dame ! pour un tombeau…

— Puis, si vous voulez que je vous dise… » Elle avouait, hésitante, que cet homme tout nu sur son lit de camp ne lui paraissait vraiment pas convenable, on pouvait croire à un portrait : « Et voyez-vous ce pauvre Herbert, si réservé, si correct… De quoi aurait-on l’air ?

— Le fait est qu’en y songeant… » fit Paul très sérieux ; et jetant son ami Védrine par-dessus bord aussi tranquillement qu’une portée de petits chats : « Après tout, si cette figure vous déplaît, on en mettra une autre, ou même pas du tout. Ce sera