Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/211

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Je ne crois pas. Où vas-tu ? Que veux-tu faire ?

— Fiche-moi la paix, n’est-ce pas ?… ne te mêle de rien… tu n’as vraiment pas assez de veine. »

Il sortit dans un flot de visiteurs que chassait la fin de l’entr’acte, et elle reprit sa place à gauche de Mme Ancelin aussi exaltée, aussi adorante que tout à l’heure, en perpétuel état de grâce.

« Oh ! ce Coquelin… Mais regardes donc, ma chère. »

Ma chère était distraite, en effet, les yeux perdus, le sourire douloureux d’une danseuse sifflée, et, sous prétexte que la rampe l’aveuglait, tournée à tout instant vers la salle pour y chercher son fils. Une affaire avec le prince, peut-être, s’il est ici… Et par sa faute à elle, par sa stupide maladresse…

« Oh ! ce Delaunay… Av’ vous vu ?… av’ vous vu ? »

Non, elle ne voyait que la loge de la duchesse où quelqu’un venait d’entrer, la tournure élégante et jeune de son Paul ; mais c’était le petit comte Adriani au fait de la rupture comme tout Paris et se lançant déjà sur la piste. Jusqu’à la fin du spectacle la mère se rongea d’angoisse, roulant mille projets confus qui se bousculaient dans sa tête avec des choses passées, des scènes