Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/239

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reprenant à la vie fut : la duchesse ! Ainsi, presque à son insu, cette résolution improvisée était la mise au jour d’une lente et sourde germination : « J’ai voulu vous venger, je n’ai pas pu… » Certainement, bonne, violente et vindicative comme il la connaissait, celle que ses Corses appelaient Mari’ Anto, serait à son chevet le lendemain matin. À lui de s’arranger pour qu’elle ne le quittât plus.

En revenant tous deux dans le landau, qui avait pris les devants sur le coupé de Samy obligé de marcher lentement à cause du blessé, Védrine et Freydet philosophaient devant les coussins vides où reposaient les épées du duel dans leur fourreau de serge. « Elles font moins de train qu’en allant, ces fichues bêtes… » dit Védrine poussant les colichemardes du bout du pied. Freydet réfléchit tout haut : « C’est vrai qu’on s’est battu avec les siennes… » et reprenant sa tête importante et très correcte de témoin : « Nous avions tout gagné, le terrain, les épées… En plus, un tireur de premier ordre… Comme il dit, c’est une chose bien extraordinaire… »

Ils cessèrent de causer un moment, distraits par la richesse du fleuve qu’allumait le couchant, en nappes d’or vert et de pourpre. Le pont traversé, les chevaux s’engagèrent au grand trot dans la rue de Boulogne. « En somme, oui… reprit