Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/299

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fortune, et, cette fois, il ne se laisserait pas dépouiller… « ancien sénateur, ambassadeur et ministre… »

« Elles sont lugubres, ces cloches, n’est-ce-pas, monsieur Paul ? » lui dit Mlle Moser déjà à table entre son père et l’académicien Laniboire. La duchesse les avait gardés à Mousseaux autant pour distraire la solitude de Paul Astier que pour donner un peu plus de repos et de bon air à la pauvre Antigone esclavagé par la candidature perpétuelle de son père. De celle-là, du moins, rien à craindre comme rivalité de femme, avec ses yeux de chien battu, ses cheveux incolores et l’unique préoccupation sollicitante et humiliée de ce fauteuil académique inaccessible. Ce matin, pourtant, elle s’était faite belle, plus soignée ; une robe fraîche, ouverte en cœur. Ce qu’il montrait, ce cœur, semblait bien minable et maigrichon, mais enfin, à défaut de grives… Et Laniboire, mis en verve, la lutinait, disait des choses… Il ne les trouvait pas lugubres, lui, ces sonnailles de mort, ni les : « Priez pour le repos… » s’espaçant dans le lointain. Au contraire, la vie lui semblait meilleure par contraste, le vin de Vouvray plus doré dans les carafes, et ses grasses histoires détonnaient singulièrement dans la salle à manger trop vaste. Le candidat Moser, figure bouillie, d’expression complaisante, riait d’un rire cour-