Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/321

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Deux heures et demie.

Tu penses, ma chère sœur, quelle émotion, lorsque après avoir entendu dans la pièce à côté M. et Mme Astier, le vieux Réhu, tout un flot de visiteurs féliciter, congratuler l’auteur des Habitants des cavernes, j’ai vu s’ouvrir la porte des archives, mon maître s’avancer les mains tendues : « Pardonnez-moi, cher enfant… » La chaleur, l’émotion… il suffoquait… « pardonnez-moi… cet homme me tenait par la gorge… j’ai dû… j’ai dû… je croyais détourner le grand malheur qui me menace, mais on n’évite rien de ce qui est écrit, même au prix d’une lâcheté. » Ses bras ouverts, je m’y suis jeté sans rancune, sans même bien comprendre cette peine mystérieuse qui le poignait.

En définitive, tout se réparera bientôt pour moi. J’ai les meilleures nouvelles de Ripault-Babin : il est douteux qu’il passe la semaine. Encore une campagne, ma chère sœur. Malheureusement, le salon Padovani sera fermé tout l’hiver pour le grand deuil. Il nous reste comme champ de manœuvres les « jours » de Mme Astier, Ancelin, Eviza, dont les lundis ont été décidément lancés par le grand-duc. Mais, avant tout, sœur chérie, il va falloir déménager. Passy est trop