Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/80

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tales dont la demoiselle doit être bien embarrassée. Le piquant, c’est que ce petit comte Adriani est le propre neveu du nonce, et qu’à la dernière soirée de la duchesse — on dit, ici, la duchesse tout court comme à Mousseaux — il racontait son histoire en toute innocence et dans un délicieux jargon que Lavaux imite à ravir : « Dans la gare, Monsignor il mé dit : Pepino, porte le berretto… Z’avais déza le zuccheto… avec le berretto ça m’en faisait deux… » Et les roulements d’yeux du jeune et ardent papalin en arrêt devant la drôlesse : « Cristo ! qu’elle est bella… »

Au milieu des rires, des petits cris : « Charmant… Ah ! ce Lavaux… ce Lavaux… » je demande à Mme Ancelin assise près de moi : « Qu’est-ce donc que ce M. Lavaux ? Qu’est-ce qu’il fait ? » La bonne dame a paru stupéfaite : « Lavaux ?… Connaissez pas ?… Mais c’est le zèbre de la duchesse… » Elle est partie là-dessus, courant après Danjou, et me voilà bien informé. Ce monde parisien est extraordinaire, son dictionnaire se renouvelle à chaque saison. Zèbre, un zèbre ! Qu’est-ce que cela peut vouloir dire ? Mais je m’aperçois que ma visite se prolonge hors de toute convenance et que mon maître Astier ne descend pas. Il faut partir. Je me glisse entre les fauteuils pour aller saluer la maîtresse de maison ; au passage, aperçu Mlle Moser qui pleure