Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/98

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chose… un air blagueur, des yeux indifférents, puis tout à coup une petite grimace nerveuse du coin de la bouche. C’est fait… dans le sac !… À part lui, il se dit sûrement : « Mon Dieu, que ce Védrine est niais ! » Il ne se doute pas que je le guette, que je le savoure… Maintenant, fit le sculpteur en se levant, que je te montre mon paladin, puis nous visiterons la boîte… Elle est curieuse, tu verras. »

Quittant la terrasse pour entrer dans le palais, ils franchirent un perron circulaire de quelques marches, traversèrent une salle carrée, l’ancien secrétariat du Conseil d’État, sans parquets ni plafonds, tous les étages supérieurs effondrés, laissant voir le bleu du ciel entre les énormes traverses de fer, tordues par la flamme, qui divisaient les étages. Dans un coin, contre le mur où s’accrochaient de longs tuyaux de fonte envahis d’herbes grimpantes, une maquette en plâtre du tombeau de Rosen gisait en trois morceaux dans les orties et les gravats.

« Tu vois, dit Védrine, ou du moins non, tu ne peux pas voir… » et il lui décrivait le monument. Pas commode à contenter, cette petite princesse, en ses caprices tumulaires ; il avait fallu des essais divers, des conceptions de sépultures égyptiennes, assyriennes, ninivites, avant d’arriver au projet de Védrine qui ferait crier les