Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/105

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Ils avaient disparu depuis quelques instants, lorsque des cris d’appel se firent entendre dans le village. Ils étaient poussés par le propriétaire d’une ferme voisine. Il protestait contre un vol dont il venait d’être victime de la part des voyageurs inconnus. Ils lui avaient dérobé un cheval avant de disparaître. À ses plaintes, ses voisins s’armaient tant bien que mal, s’élançaient sur les traces des voleurs. Mais ceux-ci, atteignant les bois de Larçay, s’y réfugiaient. Protégés par les arbres, ils faisaient feu sur les paysans, qui durent renoncer à les poursuivre et se résigner à les laisser continuer leur route. Ce premier succès ayant accru leur audace, ils enlevaient, un peu plus loin, un autre cheval. Maintenant, les deux piétons qu’on a vus se joindre à eux étaient montés comme leurs camarades. La cavalcade s’éloignait grand train par le chemin qui conduit de Larçay à Azay-sur-Cher, tandis que les propriétaires des chevaux volés se jetaient à travers champs pour la devancer, et aller un peu plus loin lui couper la route.

Elle traversa au galop le village de Véretz. Mais, si rapide que fût sa course, le maire de ce village, qui la vit passer, remarqua que l’un des cavaliers était borgne. Il devait se le rappeler plus tard, au cours de l’instruction judiciaire qui suivit l’événement. Au delà de Véretz, la bande, à l’improviste, se trouva devant les paysans qui s’étaient lancés à sa poursuite. Ceux-ci s’avançaient, menaçants, réclamant leurs chevaux. Brusquement, ils furent enveloppés par les six cavaliers et contraints de les suivre. L’un des prisonniers parvint cependant à s’échapper. Mais un peu plus loin on en fit un autre, un officier de santé du pays, nommé Boissy, que sa mauvaise fortune mit sur le passage de ces bandits. Ils l’obligèrent à marcher, sans tenir compte de ses protestations ni lui dire, pas plus qu’à ses compagnons d’infortune,