Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/108

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

M. Clément de Ris le temps de faire ses adieux à sa femme, ils l’entraînèrent, malgré les larmes de son fils, sous les yeux de ses gens tenus en respect.

Au moment de partir, et comme Mme  Clément de Ris les suppliait d’épargner son mari :

– Il ne lui sera fait aucun mal, dit l’un d’eux ; ce n’est pas à sa vie que nous en voulons. Du reste, vous aurez bientôt de nos nouvelles.

Ils s’éloignaient, emmenant dans sa propre voiture le sénateur et leur butin. Il n’y eut aucun effort pour les retenir. La violence et la soudaineté du rapt avaient paralysé les témoins de cette scène extraordinaire. Quand les gens de M. Clément de Ris s’avisèrent de courir sus aux bandits, ceux-ci avaient disparu. Il était cinq heures ; le jour rapidement déclinait ; l’ombre protégeait leur fuite. Que voulaient-ils de leur victime ? Où la conduisaient-ils ? On l’ignorait. Il ne restait plus à Mme  Clément de Ris d’autre ressource que celle de prévenir les autorités, ce qui fut fait aussitôt.

Le préfet d’Indre-et-Loire, M. Graham, était nouveau venu à Tours. Nommé depuis peu de temps à ce poste, il ne connaissait encore qu’imparfaitement le pays et l’esprit de ses administrés. Il en savait cependant assez pour n’être pas tenté de voir dans l’acte criminel qui lui était signalé le symptôme d’un soulèvement, ou l’effet d’un complot ourdi avec la complicité d’un grand nombre d’entre eux. En Normandie, en Vendée, en Bretagne, c’est avec ce caractère de péril public que serait apparu un tel événement. Mais, en Touraine, rien de pareil n’était à redouter. Il n’y avait là, assurément, qu’un crime isolé, commis par de vulgaires malfaiteurs, ou peut-être même suggéré par un désir de vengeance personnelle. Il n’en exigeait pas moins des mesures répressives énergiques et immédiates.