Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/114

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ensuite laissé subsister et confié à M. Clément de Ris les preuves de sa culpabilité, alors qu’il était libre de les détruire et que la plus vulgaire prudence lui commandait de le faire. Un tel défaut de précautions s’accorde mal avec ce qu’on sait de ses habitudes et de son habileté.

Il n’en est pas moins vrai que l’enlèvement de Clément de Ris parut aux accusateurs de Fouché une occasion propice pour faire revivre et remettre en circulation les rumeurs dont ils avaient tenté précédemment et en vain de se servir contre lui. Ils s’attachèrent à répandre qu’il avait eu la main dans l’attentat dont les auteurs, prétendaient-ils, n’avaient agi qu’à son instigation. Cette fois, Bonaparte se décida à tirer l’affaire au clair. Il expédia à Tours un de ses aides de camp, le colonel Savary, en le chargeant de recueillir, en dehors et à l’insu de la police et par ses moyens personnels, toutes les informations propres à dépouiller la vérité des ténèbres qui l’environnaient.

Savary était des plus ardents contre Fouché. La mission devait lui plaire. Il l’accepta avec enthousiasme, se mit en route et piqua droit sur le château de Beauvais, où, à la suite de l’événement, était restée malade, en proie aux plus affreuses angoisses, Mme  Clément de Ris. Il arriva le 1er octobre, trois jours après l’attentat. Mme  Clément de Ris, depuis la veille, possédait une lettre de son mari, que lui avait apportée le chirurgien Petit, et qui lui enjoignait de se trouver à huit jours de là, à l’hôtel des Trois-Marchands, à Blois, avec une somme de cinquante mille francs. La rançon du sénateur avait été fixée à ce prix par ceux qui le détenaient. Ils recommandaient à sa femme la plus entière discrétion ; il y allait, disaient-ils, de la vie de leur prisonnier.