Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/122

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50,000 francs, sur papier libre, à l’échéance du 1er octobre 1800. Le malheureux sénateur s’exécute sans résistance. Il est à la merci de ce bandit.

Si surveillé qu’il soit, il finit par deviner qu’il est dans une ferme. Tout autour de lui, dans le jour, il entend des bruits de travaux champêtres, charger du fumier, passer une charrette attelée de bœufs, sortir et rentrer des troupeaux de vaches et de moutons, hennir des chevaux. De même, il se rend compte que son cachot est sous un hangar rempli de planches, de fagots, d’instruments aratoires, au fond d’une cour close de murs, et éclairé par une lucarne. Ayant par hasard un mètre dans sa poche, il mesure le caveau : neuf pieds de long sur cinq de large. Indépendamment de l’ouverture par laquelle il y a été introduit, il s’y trouve du côté nord une porte vermoulue qui paraît condamnée et cinq vieilles marches de pierre. Il est tenu là durant quatorze jours.

Dans la soirée du 8 octobre, plusieurs individus masqués envahissent son réduit, lui bandent les yeux, le font monter à cheval et l’entraînent. Le trajet dure une heure et demie environ. Il entend sur sa gauche, à une assez grande distance, sonner onze heures à l’horloge d’un clocher. Quand on s’arrête, et que, descendu de cheval, il peut recouvrer la vue, il est dans une grange. Il y demeure seul jusqu’au lendemain au soir. On le ramène alors dans son premier cachot.

Enfin, dans la nuit du 10, on l’en fait sortir de nouveau et remonter à cheval. Avant qu’on lui mette un bandeau, il a le temps de voir que son escorte se compose de deux cavaliers et de deux piétons, ceux-ci destinés, à ce qu’il comprend, à servir de guide. L’un d’eux, est le paysan qui l’a gardé. On parcourt deux lieues à travers champs. Sous son bandeau mal fixé, il