Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/209

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venue, ils étaient assurés de trouver bon souper, bon gîte et le reste.

Que quelques navires anglais se montrassent sur la côte, amenant en France des troupes régulières, un Bourbon à leur tête, et les réfractaires s’uniraient à elles aussitôt pour lever l’étendard du Roi. C’était du moins l’espérance dont se flattait d’Aché, l’instigateur de ce mouvement et l’âme de ces projets.

Tantôt en Normandie, tantôt en Angleterre, allant, à tout instant, d’un pays à l’autre, au moyen d’une barque montée par un de ses anciens matelots, le patron David, dit l’Intrépide, un vrai corsaire rompu aux émotions et aux fatigues de la mer, il travaillait depuis deux ans à exciter le zèle des princes émigrés, du gouvernement anglais qui leur donnait asile et des royalistes normands sur lesquels il comptait pour le seconder au moment voulu.

Aux princes, il demandait un chef ; aux Anglais, des soldats, des armes, de l’argent ; aux royalistes du Calvados, leurs bras. Ceux-ci avaient promis, étaient prêts à tenir. Mais chez les autres, il entendait plus de belles paroles qu’il ne recevait de preuves effectives de bon vouloir. À Londres, on lui avait offert un corps d’armée composé de trente mille hommes, Anglais et Russes, avec qui devait débarquer le comte d’Artois. Mais, après avoir pris l’offre au sérieux et l’avoir acceptée, il ne pouvait obtenir que ni les troupes ni le prince se missent en route. Pour justifier ces retards, on alléguait tantôt un prétexte, tantôt un autre. Un jour, c’était une victoire de Napoléon, qui venait soudain refroidir l’ardeur des Anglais ; un autre jour, c’était la nécessité de suspendre toute initiative par suite d’un désaccord survenu entre les cours alliées, au moment d’entrer en campagne.