Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/224

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

aux fugitifs de répandre l’alarme. Au village de Langannerie, le tocsin sonnait. Deux gendarmes accouraient à cheval, suivis de quelques villageois. La nuit était venue. Pour tromper les brigands sur leur nombre, ils poussaient des cris de commandement :

– En avant, premier peloton !

– Par ici, deuxième peloton !

Mais les brigands, loin de se laisser intimider par ce stratagème, accueillirent leurs agresseurs par une fusillade si nourrie qu’en une minute, ils eurent déblayé le terrain. Un des gendarmes avait reçu une balle dans la jambe, l’autre avait eu son cheval tué sous lui.

Antonio profita de sa facile victoire pour revenir sur l’heure à Donnai. Protégée par la nuit, la bande ramena librement son butin, contraignant le voiturier, affolé de terreur, à conduire lui-même l’un des chevaux. Avant d’arriver à Donnai, Antonio lui donna vingt-cinq francs, et, avec force menaces, lui intima l’ordre d’attendre au pied d’un arbre qu’il désigna qu’on lui ramenât ses bêtes. Il les attendit en vain durant toute la nuit. Il ne les retrouva qu’au matin, errant à l’abandon dans la campagne. La voiture était restée dans les bois du Quesnai. Il alla la chercher et revint à Argentan, racontant partout sur sa route le guet-apens dont il était victime. Du reste, il n’en nomma pas les auteurs, soit qu’ils lui fussent inconnus, soit qu’il considérât qu’ils avaient acheté son silence en lui comptant les vingt-cinq francs qu’il avait commis l’imprudence d’accepter et qui se doublèrent d’une somme égale qu’il reçut quelques jours plus tard.

À ce moment, les sinistres personnages qu’on vient de voir à l’œuvre pouvaient se croire à l’abri de toutes poursuites. Après avoir déposé l’argent chez les frères Buquet, ils avaient jeté leurs armes dans des champs de