Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/228

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en détention, en dépit du jugement qui les avait absous. » Il était logique d’en conclure que les vieux cadres de la chouannerie existaient toujours avec leur ancien personnel, directeurs des mouvements, chefs de bandes, receleurs, correspondants, et qu’ils venaient de recommencer leurs brigandages.

Ce qui confirmait Réal dans cette opinion, c’est que, depuis quelques jours, la police secrète signalait la présence à Paris de Le Chevallier. Descendu chez sa belle-sœur, Mme  Thibout, rue des Martyrs, il affectait de se montrer partout, dans les lieux publics, théâtres, cafés, maisons de jeux, voire les antichambres des ministères, où il allait présenter les requêtes de ses protégés et les recommander. Partout, il disait qui il était, faisait étalage de la blessure qu’il avait reçue au bras, racontait ses prouesses passées.

De cette conduite, si semblable à celle qu’il avait tenue en une précédente circonstance, Réal tirait encore cette conclusion que Le Chevallier cherchait à se créer un alibi. Dès ce moment, il décida, d’accord avec Fouché, de le faire arrêter. Toutefois, il différa l’ordre d’arrestation et se contenta de surveiller étroitement le personnage, avec l’espoir de découvrir, par ses allées et venues, des pistes nouvelles.

Quelque hâte qu’eût le ministre de saisir les coupables, il ne voulait pas commettre la même faute que lors de l’affaire de Coutances. À cette époque, pour arriver plus vite au châtiment, on avait mené l’instruction avec trop de rapidité. C’est pour ce motif que tant de coupables étaient restés impunis. Cette fois, on voulait une instruction plus approfondie, dût la punition être plus lente. C’était l’unique moyen de mettre un terme aux tentatives des chouans.

Du reste, cette décision prévoyante n’empêcha pas la