Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/236

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Au bout de dix jours, Lefebvre, résolu à se saisir, coûte que coûte, de l’argent déposé chez les Buquet, se décida à retourner à Falaise. Il partit seul, la nuit, sur un des chevaux de Mme  de Combray. Elle le lui prêta sans prévoir que la police, après avoir constaté qu’il y en avait habituellement cinq à l’écurie, s’étonnerait de n’en plus trouver que quatre et chercherait à savoir ce qu’était devenu le cinquième. On ne s’avise, hélas ! jamais de tout. Du reste, l’instruction avançait rapidement vers la vérité. Trop de gens avaient été mêlés au crime pour qu’aucune indiscrétion ne fût commise. Il y en avait eu, coup sur coup, de nombreuses. C’est même grâce à elles que le magistrat de Falaise chargé de l’instruction, M. Le Couturier, s’était déterminé, quoiqu’il fût l’ami de la famille de Combray, à ordonner des perquisitions chez la marquise et chez sa fille, convaincu d’ailleurs qu’elles étaient victimes de calomnies et de vengeances.

Il avait même fait subir un interrogatoire à la jeune femme, interrogatoire pour la forme, et d’où ne sortit aucune révélation. Elle insinua que son mari pouvait bien « avoir fait le coup », ne donna que des explications vagues et sans preuves. Le juge s’en contenta cependant, tout heureux de pouvoir innocenter une femme qu’il traitait en amie. Accusé plus tard d’avoir en ces circonstances manqué à ses devoirs, il dut établir qu’il « n’avait pas d’habitudes avec elle ». Quoi qu’il en soit, il avait abandonné cette piste et dirigé ses recherches d’un autre côté. C’est alors que lui fut rapporté un propos tenu par une blanchisseuse de Falaise, d’après lequel Michel dit le Grand Charles aurait figuré parmi les brigands. Amené devant lui, cet homme ignorant et grossier put démontrer qu’il n’avait été que l’instrument de gens habiles qui l’avaient fait agir sans lui rien confier.