Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/268

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et Réal ne reculèrent pas devant la mesure la plus barbare pour le contraindre à revenir. Ils firent arrêter son fils et sa belle-sœur, au moment où ceux-ci pour le rencontrer se rendaient dans le passage des Panoramas. Il fut pris dans leurs bras, dit une version, et ramené sur l’heure au Temple. D’après une autre, il avait offert, pour les délivrer, de se présenter à la préfecture de police à la faveur d’un sauf-conduit qui lui fut octroyé et dont on ne tint ensuite aucun compte.

Décidément c’était un homme trop dangereux pour qu’on le laissât vivre jusqu’à la fin de l’instruction ouverte à Rouen. On se décida à faire son procès à part et à lui donner ces juges militaires qu’il avait lui-même sollicités. Le 8 janvier 1808, un décret le traduisait devant le conseil de guerre de la Seine, présidé par le général Hullin, comme prévenu de s’être fait « chef, commandant ou instigateur d’un rassemblement armé, sans l’autorisation des autorités constituées, cas prévu par l’article 2 de la loi du 30 prairial an III, rappelé par la loi du 1er vendémiaire an IV ». L’accusation reposait tout entière sur les propos de Mme  Aquet de Férolles, sur les aveux des accusés de Rouen et surtout sur les confidences que lui-même aurait faites dans sa prison à son compagnon de captivité, Ponce, un espion de Réal, c’est-à-dire sur des bases bien fragiles.

En ce temps-là, expéditive était la justice. Le décret impérial porte la date du 8 janvier. Le lendemain, 9 janvier, Armand Le Chevallier comparaissait devant le conseil de guerre, lequel, après un rapide interrogatoire, le condamnait à mort « sans désemparer ». À l’issue de l’audience, on le conduisait dans la plaine de Grenelle où l’attendait le peloton d’exécution. À quatre heures il avait cessé de vivre, ainsi qu’en fait foi une note insérée le 10 janvier dans le Moniteur officiel de l’Empire.