Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/272

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ni par cette circonstance atténuante qui pouvait être invoquée en sa faveur : l’obligation dans laquelle elle s’était trouvée de se compromettre pour venir au secours de son enfant. Si touchante que fût, par certains côtés, son infortune, par d’autres, sa culpabilité apparaissait avec trop d’éclat pour laisser place à la clémence.

Cette culpabilité, l’accusation s’était plu à en exagérer les éléments. Elle alléguait au hasard, et dépourvus de toutes preuves, des faits sans rapports avec la cause. C’est ainsi qu’elle articulait que Mme  de Combray, après s’être efforcée de rejeter sur son gendre la responsabilité du crime, avait essayé de l’empoisonner pour se débarrasser de lui ; que de la même manière, elle avait attenté aux jours du curé de Donnai, qui différait d’opinion avec elle. Ces allégations ne reposaient que sur des rumeurs mensongères. Mais elles imprimaient au rôle de l’accusée un caractère incompatible avec toute idée de grâce ou d’indulgence.

Déçus dans leurs espérances, la famille et les amis de Mme  de Combray, en même temps qu’ils confiaient sa cause au vieux Chauveau-Lagarde, le défenseur respecté de Marie-Antoinette et de Charlotte Corday, entreprirent de créer un mouvement d’opinion pour influencer les juges et multiplièrent les démarches personnelles. Ceux-ci furent sollicités, suppliés, assiégés. Dans les salons de Rouen, les nobles plaidaient pour l’accusée. Dans la rue, même parmi le peuple, elle eut des avocats. Réal écrivait au grand juge Régnier : « On répand que la dame de Combray pourrait bien n’être punie que de peine correctionnelles, qu’on alléguera pour sa défense la tendresse maternelle, en insinuant que ce sentiment a pu la déterminer à aller toucher l’argent qu’elle savait être volé. Cette femme tient à toute la noblesse du pays. Déjà l’intrigue et la corruption s’agitent de toutes parts