Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/312

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part qui revient à chacun dans le guet-apens que dressait la police et dont le comte de Goyon devait être la victime.

« Il est nécessaire d’expédier un agent à Jersey porter les dépêches de Prijent et en rapporter celles qui doivent être pour lui. Son arrestation ne doit pas être connue à Jersey. Si elle est connue, sa lettre l’a démentie. Faites partir Jules Bouchard auquel vous assurerez de ma part une récompense convenable. Il devra revenir très promptement. La mission est sans difficultés. Choisissez des marins discrets et sûrs. Bouchard rapportera des journaux anglais qu’il ira demander de la part de Prijent au général Don, trois exemplaires des mémoires de Puisaye, déposés chez Mme  Fall, à Saint-Hélier. Voici un mot de Prijent pour cette dame. Si le préfet de l’Orne vous envoie une lettre du frère de M. de Puisaye pour ce dernier à Londres et si elle vous parvient à temps, vous la coulerez dans le grand paquet sous l’enveloppe. »

Bouchard était si fermement convaincu que le service qu’il allait rendre à la police protégeait sa vie contre tout risque futur qu’au lieu de rester à Jersey, ce qui lui eût été facile, il revint en hâte après s’être acquitté des commissions dont il s’était chargé. Derrière lui, et trompé par ses mensonges, partit le comte de Goyon, chargé d’aller chercher Prijent en Bretagne pour le ramener à Jersey. Arrivé en vue des côtes de France, il y croisait depuis quelques heures quand il aperçut Bouchard qui, du rivage, lui faisait signe d’approcher. Sans défiance, il obéit à cet appel, et débarqua, ce qu’il ne faisait jamais. Des gendarmes attendaient cachés. Avant qu’il pût songer à se défendre, ils se saisirent de lui. Il fut conduit à Rennes, où était concentrée l’instruction de l’affaire sous la direction du préfet. Bientôt,